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Akufi nt Tikta

Hirak et sortie de crise, une dimension négligée sinon oubliée : l’économie !

El Watan, août 2019

Sans nul doute bien des citoyens et citoyennes doivent se poser bien des questions – sinon commencer à quelque peu se lasser – devant l’étirement dans le temps du mouvement hirak. Cela fait déjà cinq mois et trois jours, au moment où j’écris ces lignes, que cela dure. Pourquoi aucune issue sérieuse ne semble vouloir se dessiner ?

Je pense que pour ce qui est des aspects politiques, sur lesquels je reviendrai prochainement, il s’est dit beaucoup, plus que beaucoup… et il reste encore à dire, beaucoup à dire. Cependant, pour les aspects économiques, pourtant aussi importants sinon plus que les politiques, il n’y a eu, en tout cas à ma connaissance, que fort peu – et encore souvent fort timides – d’analyses et commentaires. A part quelques «forums» soigneusement triés, guidés et intéressés(2) (comme je l’ai vu en Tunisie en 2011)(3) et quelques éparses interventions restées – selon toute apparence – lettre morte jusque-là, presque rien, à mon avis, de bien approfondi et encore moins de sérieusement critique quant au modèle dominant n’a été osé. Je voudrais donc par la présente contribution remplir quelque peu ce que je considère comme un «vide» de première, sinon de primordiale importance.

Toute politique est économie et toute économie est politique !

Le politique et l’économique sont inséparables. Car, enfin, il suffit d’écouter n’importe quelle intervention de n’importe quel politicien pour l’entendre ne parler que presque exclusivement d’affaires… économiques ! Que vaut, en effet, un discours «politique» qui ne soit émaillé de considérations relatives, pour une raison ou une autre, à la croissance, au chômage, à l’inflation, au PNB, au marché du travail, aux retombées économiques, au pouvoir d’achat, au SMIG, au budget de l’Etat, aux réserves de change, aux exportations-importations, aux déficits, aux excédents, etc. etc. ? Comment, dès lors, penser faire «dégager» tout un système politique, sans du même souffle songer à faire également dégager le substrat économique sans lequel il ne serait pas ce qu’il est, et qui lui a donné «modèle», naissance, cadre d’épanouissement, appuis, armes idéologiques et pouvoir-puissance ? Ce substrat, en Algérie, a un nom, une datation, un historique, des modus operandi, une armada d’officines et de zélateurs à son service, dans et hors le pays. Cela s’appelle capitalisme financier et capitalisme néolibéral. Modèle par excellence pour permettre corruptions, rapines, détournements et malversations(4). Il sévit en Algérie depuis près de quarante ans ! C’est-à-dire depuis l’avènement de «l’heureuse mondialisation», et de la rupture avec l’ère – qu’on le veuille ou non – tout de même nationaliste et bien plus autocentrée(5), dite du boumediénisme.

Mais qu’on me comprenne bien : je précise ici que je souscris sans aucune réticence à l’évidence que le boumediénisme a secrétée, a laissé secréter, s’est laissé déborder… pour donner naissance, dès les années 1970, à une hydre militaro-bureaucratico-ploutocratique dont on connaît les conséquences. Mais cette hydre trouvera un excellent terreau pour encore mieux se développer et se répandre au grand jour, avec l’avènement chadliste de ladite «ouverture économique », dès la fin des années 1980. C’est-à-dire jeter le pays, sans préparation, ni ressources et garde-fous propres, ni analyses «critiques» sérieuses, ni compétences suffisamment lucides, ni points de vue «autres»… dans les rets de la mondialisation néolibérale. Or, pour moi, ces «rets» et leurs instruments doivent, de toute évidence, faire l’objet du même total et ferme dégagisme que le système ploutocrato-politique qu’ils ont favorisé, tout en défavorisant proportionnellement le peuple et en saccageant l’environnement de l’Algérie.

Qui pourrait faire une sérieuse démonstration que, depuis quarante ans de ce régime de «laisser-faire téléguidé», les conditions concrètes d’existence de l’Algérien lambda se sont améliorées en proportions de ce que clament la propagande et les généreux satisfecit des FMI et consorts ? Combien de désespérés harraga (inconnus jusque l’après-chadlisme) cette salutaire «ouverture» néolibérale a-t-elle créés ? Combien de nos compatriotes ne disent-ils pas regretter les temps de Boumediène ? Sinon ceux de… la colonisation !? Par ailleurs, voyons l’état dans lequel le néolibéralisme a mis la planète. Etat qui pousse la jeunesse des pays dits «nantis» à envahir les rues et répéter le cri de l’héroïque fillette suédoise de Davos : «Nous ne voulons ni de votre système, ni de vos espoirs !» ; «Vous devriez être en état de panique !» ; «Vous nous léguez une planète dévastée et invivable !» Est-ce cela que le hirak veut, ou voudrait voir faire, pour notre pays ? Avouons qu’il convient, au moins, de soigneusement y réfléchir.

Soyons constructifs et concrets : De quelques exemples, pistes et étapes de sortie d’impasse… y compris du néolibéralisme, et… urgentes !

1. A business-économie mondialisés, «gouvernance mondialisée !» : voilà le sujet de réflexion «macro» majeur auquel devront s’attacher, s’arrimer, nos premiers pas vers une nouvelle Algérie. Lutter pour que, si on «mondialise» le business (laisser les multinationales faire à leur guise partout en ouvrant toutes les frontières…), alors il faut lui accoler une gouvernance tout aussi mondialisée (comme l’a dit Jacques Chirac lui-même) sous l’égide, par exemple, d’une instance non inféodée aux intérêts occidentaux, de l’ONU :

a. payer partout un salaire de dignité citoyenne (permettant à l’employé de base d’avoir logement, transport, soins, éducation, nourriture décente, culture, loisirs, formation continue, promotion sociale…) ;

b. payer partout un minimum de 50% sur les profits là où ils sont réalisés (ce qui éviterait les ignobles chantages – cela se nomme ainsi ! – aux délocalisations vers les cieux fiscalement les moins exigeants, devant la moindre velléité de taxation ou de réglementation des Etats désireux d’exercer leurs légitimes droits souverains) ;

c. ne commettre aucune sorte de pollution, sinon dédommager à hauteur des dégâts causés, et réhabiliter l’environnement tel qu’il a été trouvé (une récente loi des finances argentine, après le chaos de 2002, impose déjà ce genre de choses !).

2. Les exemples portugais, argentin, islandais, malais… : d’une façon ou d’une autre, ces pays se sont sortis de «crises» plus ou moins similaires, entre autres en nationalisant tout le système financier-bancaire (Islande) ; en organisant des reprises d’usines, d’entreprises (fermées et désertées par leurs propriétaires) par des collectifs de cadres et d’employés qui ont assuré la continuité des productions et d’approvisionnements (Argentine, Portugal(6), en organisant un contrôle draconien des changes et des mouvements de capitaux et en mettant hors du pays les IFI (Malaisie)… pourquoi ce ne serait pas source d’inspiration pour notre hirak, en attendant de dégager toute la gangrène ploutocrato-politique et d’organiser une vraie République par et pour le peuple ?

3. Comme au Portugal (Révolution des œillets en 1974), laisser le peuple désigner d’abord, et au fur et à mesure de la «maturité» des avancées de terrain, localement, régionalement ses… «leaders» (dans les capacités de fédération-organisation des actions populaires, de prises de contrôle des instances économiques et politiques devenues vacantes : entreprises, usines, municipalités, wilayas…). Puis, ensuite, laisser «remonter» le mouvement jusqu’aux instances plus suprarégionales, nationales, centrales, étatiques…

Cela a donné au Portugal l’aboutissement, en une année, à l’instauration d’une Assemblée constituante… largement consensuelle et avec l’appui clair et neutre de l’armée. Résultat : en deux ans, le Portugal a réintégré le concert des nations démocratiques, tout en étant un joyeux – et fort efficace – «patchwork» de cogestions, d’autogestions, de décentralisations, de coopératives, d’économies municipales, de reconstructions planifiées… Et ce, après des décennies de bien dure dictature ! Pourquoi pas nous ?

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4. Faire désigner – choisir – ne serait-ce que par «référendums des pancartes», sinon par émanation-initiative d’officiers dédiés et intègres (cela s’est fait au Portugal !) un groupe de personnes dûment adoubées par la vox populi, capables d’assumer une continuité des affaires courantes tout en s’assurant de et par ordre de priorités :

a. mandater, là où nécessaire, des commissaires du peuple pour prendre en main la continuité des activités économiques et administratives essentielles ;

b. faire dissoudre l’APN ;

c. désigner un gouvernement de salut national chargé des affaires courantes ;

d. faire opérer le retrait de tous les hauts fonctionnaires, walis, présidents d’APC… (sauf ceux plébiscités par leurs administrés comme cela s’est vu récemment) et remplacés provisoirement par leurs secrétaires généraux ;

e. veiller au gel immédiat des transferts, comptes, mouvements de capitaux… non dûment justifiés (par exemple, comment se fait-il que le ministre des Finances du Québec puisse encore s’alarmer par lettre à son homologue fédéral de la quantité inquiétante de transferts de fonds algériens vers le Canada ?). La Malaisie a, en 2018, et de cette façon, récupéré en une à deux semaines des dizaines de milliards de dollars ;

f. rapatrier d’urgence Tous les fonds émanant d’Algériens ou autres volés au pays et déposés à l’étranger (Suisse, France, Angleterre, Canada, USA, Espagne, Panama (les fameux fonds Fonseca) ;

g. organier les modalités de mise en place d’une Assemblée constituante ;

h. mettre sur pied un «Comité de réflexion économique» qui devra se pencher sur l’inévitable tâche d’analyser, en long et en large, les effets du modèle néolibéral dominant, ceux de «modèles alternatifs» (Europe du Nord, Chine, Japon…) et qui sera chargé d’éclairer l’Assemblée constituante quant aux différentes options économiques disponibles, pour le bien du pays, de son peuple, de sa nature.

Pour finir : agir au plus vite. C’est Urgent !

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