Du bloc constitutionnel au blocus institutionnel

El Watan, le 14 juin 2019

L’encyclopédie populaire déferlante en ce 12e et énième hirak, qui coïncide avec la commémoration du 74e anniversaire des horribles massacres du 8 Mai 1945 perpétrés sauvagement par les forces de l’Etat colonial français, appuyée par solidarité agissante dans les quatre coins du monde (Paris, Montréal, Québec, Londres, etc.), est riche en événements par le mode d’action pacifique déployé, et d’enseignement par la résolution d’abolir un système aliénant mais agonisant, et mettre fin à un régime de gouvernance aberrant mais persévérant, où toutes les revendications à les observer sur se terrain, ne souffrent d’aucune ambiguïté visant à l’instauration d’une République citoyenne, d’un Etat de droit, démocratique et républicain, du respect de la liberté, de la dignité et des droits de l’homme, de l’égalité des citoyens et citoyennes devant la loi et la suppression des privilèges et passe-droits en dénonçant le favoritisme, la concussion et la corruption, de libérer la justice de ses entraves qui l’étouffent et de ses organes de sujétion qui altèrent sa sérénité et sa crédibilité, sont des cris de ses marches populaires enchantantes, qui réclament entre autres le départ des symboles du système et de son encrage mafieux dont le retrait de certains et certaines sont plus qu’un salut, mais un sursaut salvateur.

Ces démonstrations citoyennes à cœur ouvert et ces manifestations civiques à visage découvert, portent en elles-mêmes la preuve de la maturité d’un peuple, et l’assurance d’une nation mûre et unie dans sa variété, de consolider l’indépendance du pays arrachée au prix de lourdes sacrifices de plus d’un million et demi de chouhada, et de construire un espace commun du vivre-ensemble dans une Algérie heureuse ou la vassalité et la féodalité sont bannies à jamais.

La leçon est grande et l’œuvre est immense dont le label est déposé tant auprès de la conscience nationale qu’internationale où M. Nobel, s’il était encore de ce monde, n’aurait sans doute pas marchandé le prix, à en déplaire à ceux et à celles des différentes régies du système aliénant et aberrant, qui ont élevé l’ignorance en pédagogie scolaire, et «l’ignardisme» à une échelle supérieure de la hiérarchie d’instrument de promotion académique, pour entendre dire quelqu’un de cette nouvelle nomenklatura en charge de l’enseignement supérieur que «l’Algérie n’a pas besoin de prix Nobel», sans qu’ils se rendent compte de l’indigence intellectuelle et de la méconnaissance scientifique auxquelles sont conduites voire attelées l’université et l’enseignement supérieure, dont il n’est pas flatteur autant de son rang que de son classement, qui sont une véritable insulte à l’institution qui est un outrage a la mémoire de ses intellectuels et scientifiques Taleb Abderahmane, Maurice Audin, de ces écrivains Mouloud Feraoun, Aoudia, de ses médecins et avocats docteur Benzergeb, maître Ali Boumendjel, le professeur Liabes, et bien d’autres, dont nous évoquons avec émotion et consternation à la veille de la commémorations de ce 19 mai (journée de l’étudiant).

S’il en est ainsi pour l’université, cela dispense de tout commentaire pour ce qui est du primaire ou du moyen ou le langage se réduit à «la république Tak ala mantak» ou «à l’Etat Fakakir», etc., dont nul n’ignore où le sous développement progressif et la sous-administration évolutive ont conduit la jeunesse à la fuite par l’exil, l’émigration clandestine, le suicide y compris par la harga et bien d’autres fléaux, tels que la drogue et la prostitution.

Et portant, une rapide rétrospective historique montre que l’Algérie a été anoblie par l’intelligence de ses enfants, qui n’a pas fléchie ni failli devant celle de leurs contradicteurs français agrégés en lettres en droit, et érudits dans tout domaine, lors des négociations de paix qui ont abouti aux Accords d’Evian du 19 mars 1962 où l’Algérie a retrouvé sa souveraineté dans l’unité de sa nation et l’intégrité de son territoire dont ils ont forcé l’admiration et la considération pour être cités dans l’histoire universelle d’exemple d’un peuple vaillant et glorieux, à la satisfaction de l’humanité toute entière.

Il s’agit là de tout un patrimoine global matériel et immatériel dans ses repères et valeurs qui appartiennent au peuple algérien entier dans sa totalité et son indivisibilité mais aussi au patrimoine commun de l’humanité pour ne citer que ces mots d’ordre la fraternité «khawa khawa».

La Liberté, la dignité, l’égalité, l’équité, la tolérance, le vivre ensemble, etc., qui a résisté au fil des temps aux invasions, aux colonisations et autres prédations, mais surtout à la décadence triomphante par l’exercice du pouvoir de l’Etat profond ou une camorra avérée, représentée par des personnages naguère insignifiants, devenus subitement une main forte, pour actionner les leviers de l’Etat et décider, programmer, exécuter et juger et même déjuger ,du moins orienter et programmer l ‘action et la feuille de route de la gouvernance et de l’administration publique dont ils tracent la ligne rouge à ne pas franchir alors qu’eux-mêmes portent le complexe de la feuille blanche dont il ne savent pas quoi faire.

Ces gens là en groupes où en clans, ou les deux à la fois, ont confisqué sans scrupule les centres décisions étatiques, et s’accordent les droits de s’enrichir et d’enrichir indécemment au mépris de la morale et la moralité d’abord, et de l’égalité et de la licité ensuite, de l’insouciance de l’Etat sans éthique enfin dont leur opulence inconsidérée est une insulte à la misère sociale, en contradiction avec la foi, le naturel et la loi de la satiété des besoins et de l’utilité marginale, chère aux économistes dite «loi de Gossen» où la dernière utilité marginale est la plus attendue.

Ces gens la n’ont ni freins ni limites dans leur avarissme, dont leur train de vie n’a d’égale que leur égoïsme et affairisme inconditionnel.

A titre d’exemple, l’affaire des 701 kg de cocaïne dissimulée dans les carcasses de viande importée, des containers de déchets, du sable importé pour l’aménagement des pelouses de nos stades, etc., au prix de lourdes devises sous le sceau de l’Etat, en sont monnaie courante.

Le phénomène n’est ni récent ni nouveau. Il est perçu dès l’avènement de l’Algérie à l’indépendance ou une force violente, une sorte de foudre inattendue par les même acteurs, est venue frapper de plein fouet la révolution et s’emparer du pouvoir un été 1962 avec tous les leviers de commande pour instaurer un régime totalitaire, du moins autoritaire, sans se soucier ni du peuple, ni de l’avis des djounoud encore moins des artisans du 1er Novembre 1954 ni de la volonté du peuple qui s’est interféré entre les belligérants aux cris de «7 ans barakat».

Ce coup de force a plongé le pays dans l’incertitude de la crise dite «de 1963» lorsque le président Ferhat Abbass (que Dieu bénisse son âme) était dépouillé de ses pouvoirs à l’Assemblée constituante au profit du groupe qu’il l’a destitué et qui s’est vite précipité de concevoir au cinéma Magestic de Bab El Oued, un texte qualifié de Constitution à la satisfaction de ses initiateurs qui sont les mêmes acteurs que ceux de la charte de tripoli en 1962 et du putsch susdit où le président de la République sortant était de la partie, dont leur dessein est de s’emparer du pouvoir coûte que coûte par le groupe dit depuis «d’Oujda» qui allait l’imposer et dominer la scène politique dans le temps, la durée et l’espace par la duplicité de la continuité et la mobilité de ses régimes inconséquents qu’on ne peut qualifier que d’anachroniques et d’incohérents.

Ce système pervers, qui n’a aucune filiation avec les systèmes politiques ou juridiques modernes, trouve sa projection dans le mélange des doctrines du centralisme démocratique des pays socialistes où l’Etat est dominant et prépondérant, et les pays comme l’Egypte, l’Irak et la Syrie où le pouvoir est concentré autour de la personne du zaïm, c’est-à-dire du président vénéré et de son collège oligarchique, et dans les Etats monarchiques du Moyen-Orient, où tous les pouvoirs sont maîtrisés entre les mains de sa majesté le roi et de sa cour inféodée, exploitant la religion comme support fondamentale de soumission et l’argent comme fardeau pour l’achat des consciences et des servilités.

Tels sont les modèles que le sort d’un rendez-vous accidentel du pouvoir avec le peuple a offert à l’Algérie, non pas par hasard, mais parce qu’elle a réfuté la démocratie coloniale et ses agrégats, dont elle a souffert durant 132 ans d’occupation indue, et qu’elle n’arrive pas à s’en détacher par dégoût et amertume.

Devant la vacance de l’Etat et la carence de l’administration publique par le départ massif des Européens, l’option la plus simpliste qui réconforte le pouvoir de facto est de s’inspirer, d’imiter, voire copier des modèles sur les régimes de ces Etats socialistes dits «amis» ou des Etats arabes dits «frères», d’autant que de nombreux compatriotes ont trouvé refuge, accueil et formation durant cette période de guerre, comme la Tunisie et le Maroc ont servi de base-arrière à l’Armée de libération qui a même implanté son état-major et d’autres infrastructures telles que le MALG et autres dans la ville frontalière fraternelle et militante d’Oujda, Maroc, qui a servi de pénétrante au pouvoir par la route de Tlemcen secouant sur le parcours du combattant bien d’autre villes, Oran, El Asnam, Blida, etc., jusqu’à Alger, Grande- Poste, place du Gouvernement où la catastrophe a été évitée de justesse, par l’interférence des citoyens et citoyennes qui ont forcé la cessation des hostilités entre frères issus de la même famille enveloppée sous la notion dite «révolutionnaire», les uns à l’intérieur du pays dans les djebels et les maquis au gré de la nature, les autres de l’étranger, en France, Maroc, Tunisie ou d’ailleurs formant la VIIe wilaya, qui a servi pour les plus incrédules de valeur marchande comme pour certains la religion de fonds de commerce.

Le système aventurier n’a ni pensée politique ni fondement philosophique. Il est en totale inadéquation avec les principes consacrés dans la proclamation du 1er Novembre 1954 et les programmes de la plateforme du Congrès de la Soummam du 20 août 1956.

Pressé par les événements, le pouvoir du fait accompli se complaît à l’imitation servile, voire aux copiages des exemples de démocratie dite «dirigée» des pays de l’Est à défaut, s’inspire des régimes rigides à vocation dictatoriale, dont ils associent le roublardise et la ruse par la politique de juxtaposition des contraires où l’adoption des lois est contraire à leur esprit, et où la religion est confondue avec l’Etat, alors que le domaine d’intervention de l’un et de l’autre est différent, ou l’éducation est synonyme de dressage, où l’Etat de droit est réduit à l’autoritarisme et la justice, à l’obéissance légale et le militaire à la loi de l’obéissance disciplinaire, l’un conduit à l’emprisonnement, l’autre au casernement, le tout à l’enfermement d’un univers sans toit, ni porte, et fenêtre,, où même le ministre de la Justice n y échappe pas.

C’est dans le cadre de cet environnement que le système a évolué en se compliquant dans ces différentes facettes et casquettes modifiables au gré des circonstances et des contingences de l’heure.

Les vicissitudes du système sont nombreuses, d’abord en raison de l’absence de doctrine, d’idéologie et de philosophie politique, ensuite en raison de la monopolisation de l’exécutif et la concentration de tous les pouvoirs entre les seuls mains du président de la République, enfin de la confusion du rôle du Parlement, c’est-à-dire du Conseil de la nation et de l’Assemblée nationale populaire, réduits à de simples appareils dit-on «d’enregistrement», pour le premier de connivence et pour le second d’accointances.

L’illustration, dans les articles 84 à 111 de la Constitution, qui font du président de la République le seul maître à bord. Sauf en cas de maladie et de démission avérée où la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution après les procédures d’usage charge le président du Conseil de nation d’organiser les élections présidentielles dans un délai fixe de 90 jours et d’assurer l’intérim du chef de l’Etat durant cette période, il s’agit là d’une mission périlleuse en fait et en droit, notamment en cette période exceptionnelle de la mouvance sociale et de la résolution populaire.

En effet, toutes les structures et conditions de réalisation du scrutin ne peuvent être réunies dans un délai aussi court, puisqu’il faut reconstituer tous les organes d’émission du vote, puis de réception, enfin de réalisation, de la régularisation et de la proclamation.

Les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent. Pour reprendre une expression chère au président de la République sortant : «Il est clair» que nous complétons par «tout est sombre», du moins, il est clair que rien n’est clair.

En effet, nous nous trouvons devant un schéma complexe. S’agit-il d’une démission, d’une destitution, d’une déchéance ou d’un renversement d’un Pouvoir ou de régime, où encore de l’intention de détruire le système aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur dans le président «fakhamatoho» en est le chef d’orchestre, et les autres structures (APN, Sénat, Conseil constitutionnel, Gouvernement, Observatoire des droits de l’homme, etc.), on sont ses instruments qui doivent accompagner son départ parce qu’autant la musique que le chant ne dépendent que de lui.

S’il agissait d’une démission de fonction, comme nous sommes tentés de le croire, toutes autres considérations écartées, elle se limiterait à la cessation de son activité de président de la République.

Or, il a continué d’exercer ses prérogatives, ordonnant l’annulation du processus électoral, la dissolution de l’instance supérieure de surveillance des élections, et le changement du Premier ministre, tout en concevant son gouvernement, hors norme légal, ce qui vient compliquer l’application des articles 102 et 104 de la Constitutions où le résultat escompté est tout autre que celui attendu, à moins qu’il soit celui recherché par la juxtaposition des contraires qu’on retrouve en diplomatie au service de laquelle où il a pérennisé durant des décennies, l’art et le désastre dont ils excelle à sa manière.

Cette situation ne facilite pas la mission du chef de l’Etat intérimaire qui a la charge d’organiser les élections dans un délai fixe de 90 jours, alors qu’il est amputé de ses organes d’émission du suffrage, du corps électoral et ses structures de réalisation, d’administration et proclamation qu’il faut reconstruire dans un laps de temps, ce qui est matériellement et humainement inimaginable voire impossible, quel que soit le genre d’élection avec ou sans fraude, constitue un véritable bloc constitutionnel.

Ce prototype du confusionnisme fait partie des symboles du système que les revendications populaires condamnent sans appel et exigent leur départ sans condition.

Une autre lecture qu’on est en droit de tirer même par extrapolation de l’acte du président de la République et qu’il a écouté et fait sienne la revendication du peuple, de recouvrer ses droits, sa dignité de lui-même et par lui-même de son sort, de son avenir et de se doter d’organes qu’il mérite, en référence des article 07,08, et 12 de la Constitution actuelle.

Cette action va altérer le système dans sa continuité et sa stabilité en écourtant voire anéantir sa longévité par la réduction des élections à la carence et à la vacance du pouvoir ou la transition a la satisfaction du hirak et de ses appuis peut commencer en accord avec l’article 28 de la Constitution qu’il faut sans tarder percevoir et concevoir en toute tranquillité d’esprit national et d’engagement patriotique, car il y va de l’intérêt de l’Algérie.

A ce procès verbal de carence qu’on oppose à la date prescrite du scrutin, il est à se demander comment réaliser le passage d’un système décrié à une étape mesurée dans le temps raisonnable et l’espace politique ouvert, pour une République nouvelle déjouant tous les vices et vicissitudes du blocus institutionnel de ses régimes désavoués, décriés et dénoncés.

Ce blocus institutionnel n’est pas fortuit. Il est la conséquence de la confection du système. Il est institué et fonctionne autour du président de la République le tout puissant «fakhamatoho», qui attribue les rôles et privilèges à chacune des autorités et organes, dont il a la mainmise autant sur celle de la présidence, que celles de l’exécutif, du législatif, de la justice et des organes de contrôle tel le Conseil constitutionnel.

Il dispose également de tout un arsenal de membres et cadres qu’il entoure conformément au décret présidentiel n°2001-197 de 22 juillet 2001 fixant les attributions des services du président de la République, il dispose aussi du ministère des Affaires étrangères, qui assure une diplomatie de représentation et de prestige.

La mise en application de l’article 102 fait tomber le miroir aux alouettes en cette période de résolution populaire d’abolir totalement le système et de changer complètement de régime de gouvernance, soit donc de se doter d’un nouvel ordre constitutionnel et institutionnel qui rompt avec l’ordre ancien autant dans la Constitution et les institutions qui gagneraient leur refondation.

La conjugaison du hirak avec l’application de l’article 102 font que si le processus électoral pour une raison ou une autre n’aboutit pas à la satisfaction de l’Etat intérimaire, ce qui est l’hypothèse la plus probable, cela signifie que le système doit disparaître avec ses symboles, et que la volonté populaire des articles 07 et 08 en accord avec l’article 28 de la Constitution où l’institution militaire reste et demeure nécessaire pour une transition convenable ou l’établissent d’une convention négociée entre toutes les parties, le hirak, y compris, semble être la solution adéquate pour fixer les modalités d’une gouvernance provisoire d’assurer la permanence et l’effectivité de l’Etat, et de créer les mécanismes de gestion pour cette période provisoire et des ateliers de réflexion pour une Constitution, sinon concevoir un mode électoral pour les prochaines élections présidentielles et parlementaires qui répond au vœux du hirak.

La situation est critique et ne permet ni la nonchalance, ni la complaisance, encore moins l’insouciance, si on tient à s’en sortir de ce pas et de cette léthargie politico-militaire dont l’urgence est signalée pour éviter le péril en la demeure qui guette de partout, C’est du moins notre opinion en toute âme et conscience, en tant que membre conscient de la société et de son pays.

Ce à quoi, nous livrons cette réflexion sans parti pris et sans prise – partie, pour nous associer à ce cours magistral du hirak, et à ces voix majestueuses concordantes, qui demandent à bon escient le départ de ce système affligeant et infamant et de ses symboles conçus pour qu’il soit enterré avec son auteur, lorsque ce dernier est déchu, la déchéance est étendue de plein droit au régime constitutionnel qui est arrivé à bout de souffle et les institutions à la déconfiture, pour que le 4 juillet où l’espoir reste que cette date soit la fête de l’indépendance, de la libération et de la fin des privilèges, des passe-droits et de la corruption dans une République réelle et solidaire où le peuple retrouvera son épanouissent et l’Etat son émancipation.

 
 

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