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Tewfik HAMEL. Chercher en histoire militaire

Plateforme ou slogan ? «Dégagez !» sans un plan directeur ?

paru dans el watan, le 30 mars 2019

Dans un article récent intitulé «L’énigme Algérie : un nouveau temps politique ?», j’ai souligné la responsabilité de l’opposition de présenter sa propre feuille de route car le «dégagisme» (Dégagez !) n’est ni un programme politique ni une fin en soi. Le pouvoir a tout fait pour abîmer l’opposition.

Mais cela ne dispense pas cette dernière de ses responsabilités dans cette période charnière de l’histoire de l’Algérie. Elle doit reprendre l’initiative et montrer qu’elle est aussi une opposition de proposition et de gouvernance, c’est-à-dire capable de gouverner.

Elle doit présenter sa vision d’avenir. Gouverner, c’est prévoir et anticiper, et l’état final recherché n’est rien d’autre que l’édification d’un Etat démocratique moderne. Pour l’instant, il y a un consensus sur l’objectif, mais pas sur les moyens et la méthode d’y arriver. En lisant la «Plateforme pour le changement en Algérie» qui recueille les premières signatures de personnalités politiques, je me suis dit : c’est un début, un premier pas. Je me suis dit également que nous avons un slogan, un bon slogan pour commencer. Mais un bon slogan ne remplace pas une stratégie.

Les signataires sont des personnalités politiques respectables, et leur démarche est noble autant que le sont leurs objectifs. Leur parcours parle à leur place. Mais cela ne change pas le fait que la plateforme est trop vague pour constituer une base d’un projet.

A 40 jours de la date fixée du départ du président Bouteflika, les propositions doivent être plus ou moins concrètes et non pas des déclarations générales. Aujourd’hui, il y a des choix à faire et qui nécessitent beaucoup de courage politique. Il faut une stratégie de sortie. Pour simplifier, on peut envisager la stratégie comme une table avec trois pays : 1) le premier représente les objectifs à atteindre (le pourquoi) ; 2) le second représente les moyens et les ressources à notre disposition (quoi ?) ; 3) le troisième représente les méthodes (comment ou la façon d’y parvenir). S’il n’y a pas de symétrie entre les pieds, la table risque de tomber sinon perdre son équilibre. Il en est de même pour la stratégie. S’il y a un décalage entre les objectifs, les moyens et la méthode, la stratégie proposée conduit nécessairement à l’échec. Voilà ce à quoi doit correspondre une proposition de sortie de crise à quelques jours de la fin du dernier mandat du président Bouteflika. Lorsque l’on étudie le fonctionnement des institutions, il paraît clairement que 40 jours sont insuffisants pour mettre en place l’équipe qui prendra la relève.

Une plateforme si vague aurait un sens si le président Bouteflika part le 28 avril 2020, par exemple. Le facteur temps-ressources à tenir en compte. Cette modeste contribution participe au débat en cours. Elle ne s’enferme pas dans le «dégagisme» par principe. Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour le régime. Mais ayant travaillé sur le contexte conduisant Les Etats-Unis à intervenir en Irak, il semble préférable de garder le débat ouvert sans remettre en cause l’engagement et le patriotisme de chacun parce que sa vision est différente. Les Américains qui se sont opposés à la guerre en Irak ont été marginalisés dans le débat public et traités comme non-patriotes. Aujourd’hui, tout le monde regrette cette aventure. Il y a eu des mea culpa, mais le mal est fait. Donc, gardons toutes les options sur la table pour atteindre cet objectif de l’édification d’une Algérie moderne.

Avant d’aller plus dans les explications, je souhaite souligner ce point précis : dans mon article cité, j’écrivais ceci : «Qui va chapeauter cette transition ? Personnellement, il me semble pertinent de désigner une femme pour conduire la transition ; l’occasion de marquer une vraie rupture, d’envoyer un message clair à propos de la nouvelle Algérie que nous voulons construire (Voici l’Algérie que nous voulons) et de reconnaître le rôle et les sacrifices de la femme algérienne» ; en écrivant ceci, je pensais clairement à Madame Zoubida Assoul. Ce n’est pas seulement symbolique. Ses expériences et différentes interventions publiques montrent sa maîtrise des sujets qu’elle aborde.

Toutefois, y aurait-il consensus autour d’elle ? En tout cas, pour conforter sa position auprès des populations et montrer sa capacité à gouverner, l’opposition doit présenter sa vision de l’avenir sous forme d’une feuille de route avec des contours plus ou moins clairs, apportant des réponses au pourquoi (justifier sa démarche), comment (expliquer la méthode d’y arriver), quoi (les ressources nécessaires humaines et matérielles, institutionnelles), quand (les contraintes et le temps nécessaire pour la mise en place de la feuille de route).

La «transition démocratique» n’est pas un processus rationnel, mais un processus politique impliquant des compromis. A vrai dire, un accord durable est un accord où aucune partie n’est entièrement satisfaite. Des concessions doivent être faites par toutes les parties prenantes. Par «rationnel», nous voulons dire : atteindre le maximum d’objectifs avec le minimum d’efforts. Dans cette image, on peut supposer la transition comme un plan d’action formulé par les dirigeants (par nécessairement du gouvernement) de la nation avec l’aide de personnels qualifiés.

Dans cette image idéalisée, les dirigeants nationaux rassemblent un groupe d’experts pour identifier et prioriser les défis à travers la scanographie du contexte interne et externe, et l’élaboration d’un répertoire de réponses permettant de maximiser les opportunités et minimiser les risques. Un tel groupe d’experts provenant des différentes secteurs (juristes, économistes, acteurs de la société civile, militaires, politiciens, etc.) est prévu pour mener de vastes consultations avec les parties prenantes importantes, aussi bien au sein qu’en dehors du gouvernement. Après des arbitrages, les planificateurs présentent un projet dans un document qui constitue la base pour les stratégies des différentes bureaucraties nationales. Ensuite, la meilleure proposition parmi le répertoire des réponses sera adoptée, et qui répond à l’objectif d’atteindre le maximum d’objectifs avec le minimum d’efforts.

Le souci, c’est que la transition démocratique n’est pas le produit de ce type de schéma. Dans la situation de l’Algérie d’aujourd’hui, pour réussir cette transition, les Algériens sont amenés à choisir non pas la meilleure proposition, mais la proposition la moins mauvaise. L’essence de la planification de la transition démocratique peut être décrite ainsi : le projet de la transition démocratique (comme les autres programmes et grandes politiques) n’est pas le produit de planificateurs d’experts, qui déterminent rationnellement les actions nécessaires pour atteindre les objectifs souhaités. Il est le résultat de controverses, de négociations et de marchandages entre les fonctionnaires et les groupes ayant des intérêts divergents et des perspectives différentes. Agir signifie tenir compte des contraintes culturelles et institutionnelles. En d’autres termes, il n’est pas possible de formuler une stratégie sans parler de la mise en œuvre.

C’est une chose de concevoir et d’élaborer une feuille de route, c’en est une autre de la mettre en œuvre à travers un réseau complexe d’institutions et d’organisations nationales. Elle peut naître dans les débats au plus haut niveau de pouvoir, mais elle vit ou meurt dans l’action concertée d’une myriade de fonctionnaires subalternes. C’est à travers les institutions que les stratégies sont finalement mises en œuvre, réussissent ou échouent. Les groupes aux intérêts concurrents veillent à ce que toute stratégie soit modifiée en fonction de leurs intérêts particuliers. Les Etats sont constitués de formations politiques qui se prêtent à un jeu politique. La complexité du processus décisionnel fait que la stratégie nationale est souvent le résultat de pressions concurrentes plutôt que d’une logique entraînée par des visions d’un «acteur rationnel».

Dans le cas du système politique algérien (démocratie ou pas), il y aura toujours des différences durables entre les principales parties prenantes (bureaucraties, groupes de la société civile et les partis d’opposition) dans les valeurs, les ressources, les croyances, l’information, les intérêts et les perceptions de la réalité. La feuille de route (comme la stratégie nationale) est une symphonie produite par de nombreux joueurs. Elle n’émane pas à partir d’une seule vision unifiée du monde.

Pour commencer, il faut déjà clarifier les concepts. L’utilisation de termes définis avec précision est essentielle dans n’importe quelle profession et ce n’est pas une question sémantique. Dire que les termes doivent utilisés et compris correctement n’implique pas que leurs significations soient définies dogmatiquement. Un grand soin doit être affiché dans l’évolution des significations. Par exemple, il est plus intéressant d’utiliser le projet de la transition démocratique que le terme «transition démocratique». Pourquoi ? Transition suppose un mouvement sans contrôle ; elle suppose passivité des acteurs alors elle exige proactivité. Pareil pour «révolution». Il vaut mieux utiliser «transformation» de la société algérienne. L’avenir des révolutions n’est pas connu d’avance ; c’est comme si on se dirige vers quelque chose sans avoir un cap ni un contrôle sur le processus.

Mais ce n’est pas ce que nous voulons. Par contre, «transformation» suppose l’existence d’un projet ou d’un plan avec une direction claire et un point d’arrivée. Transformation suppose proactivité (et non pas passivité ou réactivité). Il semble aussi important de parler de projet de «transition démocratique» que de «transition démocratique». Transition ? Mais vers où ? «Projet», par contre, suppose un contrôle sur le processus. D’autres exemples peuvent être cités. C’est important. Les concepts ont un sens et la politique est souvent faite par des discours.

C’est à travers le discours que les dirigeants se placent dans le monde. Lorsqu’ils agissent, leurs discours constituent simultanément des masques, des boucliers et des contenants de valeurs. Le discours a trois caractéristiques qui décrivent sa fonction dans la vie sociale : «façons d’être», «façons d’agir» et «façons de représenter». Ensemble, elles font du discours une «partie de l’action». Sans être passif, le discours est un moyen d’«identification», d’«action» et de «représentation».

Les discours comprennent des représentations de la façon dont les choses sont et ont été, ainsi que des imaginaires – des représentations de la façon dont les choses pourraient ou devraient être. Les discours comme des imaginaires sont adoptés pour encadrer de nouvelles façons d’agir et d’interagir et peuvent inculquer de nouvelles façons d’être, c’est-à-dire de nouvelles identités. Celles-ci sont «constituées dans et par les discours» et la construction des identités est un processus intrinsèquement politique et dépend de discours hégémoniques et contre-hégémoniques concurrents.

Les interconnexions entre le langage et le pouvoir dans le contexte de la politique identitaire sont évidentes. Langage, textes, communications, etc. doivent toujours être considérés dans leur contexte social ; à la fois ils influencent et sont façonnés par des processus plus larges de la société. Le discours «est façonné socialement, mais il est aussi façonnant ou constitutif socialement».

Le discours ne se contente pas d’informer passivement sur le monde, mais il l’imprègne de sens, le fabrique, et façonne les perspectives. Il est un instrument de la construction sociale de la réalité. C’est un «processus créatif et productif, un acte par lequel rien n’est copié mais quelque chose de nouveau vient d’être – un nouveau monde est décrit». En d’autres termes, l’opposition doit élaborer un discours structurant.

Maintenant, revenons à la «Plateforme pour le changement en Algérie». Les propositions pourraient être appliquées dans certains contextes, mais pas le contexte actuel. Il est difficile de la mettre en place en 40 jours puisqu’elle prévoit «le retrait du chef de l’Etat à l’issue de son mandat actuel le 27 avril 2019». Les propositions nécessitent un investissement important qui ne peut pas être réalisé dans une courte période. Prenons brièvement les quelques propositions une après l’autre :

«L’entrée dans une phase de transition qui permettra au peuple de concrétiser son projet national» ; d’accord. Mais comment ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

«La mise en place d’une ‘‘présidence collégiale’’ composée de personnalités nationales dignes de confiance et s’engageant à ne pas rester au pouvoir à la fin de la transition» ; d’accord. Mais quelles sont ces personnalités ? Je dirais que c’est large. Une telle proposition aurait un sens si le président part dans une année par exemple. Dans ce cas, on peut reporter la réponse à plus tard. A 40 jours de son départ (17 avril 2019), il faut une liste de ces personnalités. 40 jours, cela semble une période insuffisante pour atteindre cet objectif sans qu’il y ait des conséquences.

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«La mise en place d’un ‘‘gouvernement de salut national’’ nommé par la présidence collégiale, chargé de gérer les affaires courantes de l’Etat» ; la mise en place d’une présidence collégiale est le signe de divergence qu’il n’y a pas de consensus autour d’un leader bénéficiant d’un large consensus. La mise en place de la présidence collégiale et du «gouvernement de salut national» pourrait se faire, mais les secousses seront ressenties, et cela prendra plus de temps que prévu ; au mieux, il y a une instabilité gouvernementale.

«Un débat national inclusif qui définira les modalités pratiques d’une révision constitutionnelle ainsi que l’organisation d’élections à l’issue de la phase de transition» ; intéressant, mais trop vague. La tâche sera difficile dans un pays n’ayant pas une tradition démocratique fortement ancrée, alors que le régime a abîmé toutes les institutions capables de jouer ce rôle. Il faut certainement une période durant laquelle ces institutions et organisations de la société civile se régénèrent. Une période où ces institutions ne seront pas opérationnelles à 100%.

«L’engagement de l’Armée nationale populaire et des services de sécurité à assurer leurs missions constitutionnelles sans interférer dans les choix politiques du peuple». Contradiction. Le principe civilo-militaire impose la subordination de l’armée au civil. Il y a quelques mois, l’opposition a demandé l’intervention de l’armée et aujourd’hui on demande à l’armée de respecter «ses missions constitutionnelles», d’autant plus que la plateforme indique plus haut ceci : «Bouteflika vient de piétiner la Constitution actuelle qu’il avait imposée, […]». Le terme «imposée» signifie que la Constitution n’a pas eu le consentement du peuple, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de légitimité. Donc, on demande à l’armée de respecter «ses missions constitutionnelles» définies par une Constitution qui n’a pas le consentement du peuple.

Où voulais-je en venir ? Discuter de la constitutionnalité de la démarche du clan présidentiel n’a pas sens. Car la Constitution elle-même est remise en question. La responsabilité du pouvoir dans la crise que traverse l’Algérie aujourd’hui est indéniable. Le tribunal de l’histoire a rendu son jugement : le régime est coupable. Aujourd’hui, les Algériens sont face à des choix difficiles et sont amenés à choisir la solution la moins mauvaise. L’opposition doit changer de logiciel. Au lieu d’être «une opposition d’opposition» (si je puis utiliser cette expression), elle doit devenir une «opposition de proposition», une «opposition de gouvernance» et montrer sa capacité à gouverner.

Un homme ou parti politique doit mobiliser pour se faire élire et appliquer son programme ; il doit aussi être en mesure de mobiliser pour gouverner – la tâche est encore plus difficile lorsque l’on est aux commandes. Dans un sens, l’opposition n’a pas encore intégré les changements en cours dans son logiciel ; si c’est le cas, elle aurait déjà établi un discours de gouvernance. Son discours est resté un discours de contestation, alors qu’elle doit le connecter à un autre temps politique, puisque plus que jamais l’alternance au pouvoir n’est plus un rêve en Algérie. Peut-être parce que l’opposition est consciente de sa faiblesse, et c’est pour cela qu’elle ne se projette pas dans l’avenir.

A vrai dire, l’opposition est aujourd’hui otage de la rue parce qu’elle aussi n’a pas joué son rôle. La preuve : aucun parti politique ne peut prétendre que c’est lui qui a mobilisé la rue. L’opposition a en fait rejoint la rue. Tout en étant conscient de l’impopularité de l’idée d’une transition négociée, il me semble qu’il est important de prendre le temps d’étudier une telle option. Car si l’on se trompe, les conséquences sont concrètes. Il s’agit d’agir dans le monde réel. Il ne s’agit pas d’une analyse académique que l’on peut corriger avec un autre article. Faire de la politique, c’est aussi discuter avec ses adversaires. A 40 jours fixés au président, il n’y a pas de proposition concrète envisageant la façon d’organiser la transition. Comme dit le proverbe, soit avoir la philosophie de ses moyens, soit créer les moyens à sa philosophie. En d’autres termes, soyez idéalistes dans vos idées, mais réalistes dans vos moyens.

La plateforme citée entraîne plus de questions que de réponses. Les populations demandent plus de liberté, mais aussi plus d’efficacité. Par le passé, des citoyens algériens sortaient dans la rue pour demander de retirer la gestion des écoles ou le couffin du Ramadhan, par exemple, des communes à cause d’une mauvaise gestion et les confier aux services des daïra ou de wilaya.

Ce qui est une régression démocratique. En outre, le retour des membres des régimes de Ben Ali et Moubarak au pouvoir est en partie dû à l’incapacité et les erreurs à gérer efficacement la période post-Ben Ali et post-Moubarak. Tout le monde est d’accord sur l’impératif d’une restauration profonde du régime algérien et aller vers une IIe République, mais il y a plusieurs manières d’y arriver. Si on tue le débat, on risque de sombrer dans le conformisme. On risque même de créer le climat qui a conduit l’administration Bush à intervenir en Irak. Tout le monde devient «dégagiste» (Dégagez !) et on oublie l’essentiel, c’est-à-dire faire de la politique et chercher des solutions.

Tous les opposants à la guerre contre l’Irak ont été discrédités comme non patriotiques. Finalement, les Etats-Unis sont allés en guerre, et on s’est rendu compte que c’était une erreur monumentale. Evitons donc un tel climat. Le débat politique a besoin d’être aéré. Accepter de discuter de la proposition du gouvernement n’est pas lui apporter un soutien. Il n’y a pas à rejeter la proposition de gouvernement par principe. L’important, c’est de rester mobilisés en ayant des propositions concrètes et réalistes. A 40 jours de la date fixée au président, tout prétendant à un rôle politique quelconque doit présenter des propositions-projets qui répondent à 4 interrogations : pourquoi, combien, comment et quand ? Si l’opposition n’est pas en mesure de faire émerger une telle proposition, alors qu’elle se donne la peine d’étudier ce que l’on propose sur le marché des idées.

C’est une question de cohérence. Je le redis encore une fois, je n’ai aucune sympathie pour le régime en place. Mais étudier la proposition du gouvernement ne signifie pas renoncement ou faire confiance, mais simplement que l’on n’a pas le droit de se tromper. Pour éviter les erreurs (comme Bush en Irak), il faut libérer le débat et ne pas s’enfermer dans des slogans et des solutions simples. Le régime a amèrement échoué. L’opposition n’a pas le droit à l’échec. Mais s’enfermer dans «Dégagez» n’est pas la solution.

Aujourd’hui, l’opposition et la société civile sont en position de force, ce que leur permet de conduire le changement et réaliser la quasi-totalité des revendications même avec la proposition du gouvernement. Avant de dire non, testez au moins le gouvernement ; si le régime ne répond pas favorablement, vous pourriez toujours faire appel à la rue. C’est un processus évolutif qui doit être soutenu par un rapport de force constamment mobilisé. Personnellement, une transition négociée semble constructive à condition que l’opposition reprenne l’initiative et qu’elle ait le courage politique.

En quoi consiste la proposition du régime : une transition d’un an (horizon temporel) ; gouvernement de technocrates et conférence nationale inclusive avec la responsabilité de mettre en place l’architecture institutionnelle de la nouvelle République. Après tout, il ne s’agit que de proposition que l’on peut enrichir intelligemment et fermement.

Faire de la politique, c’est aussi négocier avec ses adversaires politiques. Si l’opposition et la société civile arrivent à déterminer leurs compositions et l’ordre du jour, l’opposition sera en mesure de conduire le changement. Le gouvernement technocrate sera chargé de gérer les affaires courantes. Quelques questions n’attendent que la fin de la transition :

1)- la surveillance des frontières contre les fuites de capitaux, un phénomène qui prend de l’ampleur durant les moments d’incertitude ;
2)- la reprise des grands dossiers de corruption qui ont suscité une grande polémique ces derniers années sous la présidence Bouteflika. C’est important. Ce sera une occasion de tester la volonté du régime et passer un message clair aux Algériens que la corruption sera bannie ;
3)- accélérer l’élaboration d’un fichier national des besoins des populations selon leurs revenues pour rationnaliser la politique de subvention ;
4)- régulariser le champ médiatique (public et privé) en garantissant la liberté d’expression et surtout en mettant des critères transparents sur le financement et la publicité. Les journalistes n’ont pas de mal à apporter des propositions concrètes pour enrichir le débat. Il s’agit de mettre fin au système clientéliste et d’intimidation des journalistes. C’est-à-dire garantir l’indépendance financière du pouvoir politique ;
5)- assainir le mouvement associatif, parce que ces dernières années nous avons assisté à la prolifération d’associations sans réelle présence sur le terrain, dont le rôle est de soutenir le régime en bénéficiant d’énormes aides. Ce secteur fait partie du système clientéliste. Ces mouvements nuisent à un fonctionnement démocratique sain.

Ce type de décisions peut être géré durant la transition par le gouvernement technocrate. Il y a évidemment d’autres points. Les organisations professionnelles peuvent apporter leurs contributions. En même temps, la conférence nationale inclusive continue ses travaux et réflexions. Peut-être serait-il également intéressant d’envisager une restructuration de fond en comble du paysage politique algérien. C’est justifié étant donné le rejet du politique et l’incapacité des partis politiques à mobiliser.

Dans ce contexte, pourquoi ne pas envisager le renouvellement du paysage politique algérien ; il serait utile que tous les partis politiques s’engagent dans un processus de restructuration impliquant même un changement de nom.

Ce qui permettra d’ouvrir la porte aux jeunes et briser le monopole des anciens membres. Ce qui entraînera nécessairement d’autre façon de faire la politique que la «chkara». Ce serait aussi l’occasion pour que les Algériens s’approprient le FLN comme un aspect du patrimoine historique algérien. «Faites confiance, mais vérifiez», disait Ronald Reagan. Dans notre cas, on peut dire : négociez, mais restez constamment mobilisés. Simples propositions. Il y a des choix à faire, mais aussi des sacrifices. Soyons pragmatiques, mais mobilisés.

Par Tewfik Hamel  , Chercheur en Histoire militaire

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