EVOLUTION DU SYNDICALISME EN ALGÉRIE

Ce document se propose de faire une présentation exhaustive du mouvement syndical algérien et de son évolution

Ancrage historique

L’Algérie a vécu sa première expérience de pluralisme syndical durant la colonisation. Dans un premier temps, ce fut sous l’égide des syndicats français implantés en Algérie ou au sein de l’émigration ouvrière en France. Ensuite, différentes tendances du Mouvement national ont créé leurs propres syndicats dans une logique concurrentielle qui reflétait les discordes et divergences inhérentes à leurs relations propres.

Les premières sections syndicales qui ont vu le jour à partir de 1898 en Algérie étaient exclusivement réservées aux colons étant donné que le Code de l’indigénat en vigueur interdisait aux Algériens d’adhérer à toute association ou organisation.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le nombre d’ouvriers algériens émigrant en France pour chercher du travail s’était accru, atteignant les 23.000 émigrés en 1923. N’étant pas soumis au Code de l’indigénat en France, les ouvriers algériens adhéraient de plus en plus à l’action syndicale. De nombreux leaders syndicaux ont émergé de cette population ouvrière essentiellement constituée de travailleurs de l’industrie et l’action syndicale s’est ainsi renforcée en dépit de l’Etat colonial qui n’a eu de cesse de saboter son action et de la pénaliser.

Avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale et les événements tragiques du 8 mai 1945, les syndicats français, principalement la CGT s’était gardée de condamner ouvertement, une rupture avec les syndicats français se produisit. Une réflexion au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) sur la nécessité de fonder une centrale syndicale algérienne.

Les syndicats dans la lutte de libération nationale

Durant la période post guerre mondiale, des dissensions ont émergé au sein du Mouvement national entre Messalistes appartenant au Mouvement national algérien dirigé par une grande figure du nationalisme algérien et les Centristes du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, ayant créé le Front de libération national (FLN). Ces dissensions se reflétèrent sur le mouvement syndical avec la création d’une centrale syndicale distincte pour chaque tendance. Les Messalistes, créèrent l’Union des syndicats des travailleurs algériens (USTA) le 20 février 1956, suivis quatre jours après par le Front de libération nationale (FLN) qui annonça la création de l’UGTA le 24 février 1956.

L’USTA affirmait représenter toutes les travailleuses et tous les travailleurs algériens, indépendamment de leurs origines, religion ou opinions. N’ayant pu s’implanter en Algérie, elle s’organisa en France, où elle parvint à rassembler beaucoup d’Algériens de l’émigration dans sa Fédération des travailleurs émigrés en France qui comptait alors plus de 25.000 adhérents, attirant 80% des émigrés algériens syndiqués à la CGT. Celle-ci ne fut jamais dissoute.

Quant à l’UGTA, elle se donna pour rôle de mobiliser la classe ouvrière algérienne en faveur de la lutte de libération nationale. Elle organisa à cet effet une grande manifestation de solidarité avec le FLN, le 1er mai 1956, au cours de laquelle son leader Aissat Idir fut arrêté, puis assassiné lors de son incarcération. Un autre moment fort de la lutte du Mouvement syndical algérien en faveur de la libération du pays fut l’appel à une grève générale de huit jours, en janvier 1957, suivie massivement mais sauvagement réprimée par les autorités françaises. Dès lors, l’activité syndicale passait au second plan pour laisser place à la lutte armée pour l’Indépendance nationale, priorité de tous les militants nationalistes.

LE MOUVEMENT SYNDICAL APRÈS L’INDÉPENDANCE

Période du parti unique

A l’indépendance, l’UGTA s’employa à se réorganiser en recréant ses structures centrales et ses sections au niveau local. La crise politique de l’été 1962 entre le Gouvernement provisoire et l’Armée des frontières, fut une première épreuve dans la construction de la relation de l’UGTA à l’Etat. L’indignation de l’UGTA face au conflit fratricide et sa position affichée en faveur de l’arrêt immédiat des affrontements et de l’effusion de sang, de même que la menace qu’elle brandissait d’une grève générale au cas où l’un des deux protagonistes s’emparait du pouvoir par la force, lui valut l’hostilité déclarée de Ahmed Ben Bella.

Cette hostilité eut des répercussions sur le premier Congrès de l’UGTA ainsi que sur le second. Ben Bella intervint personnellement dans les travaux et le choix des candidats pour s’assurer d’une direction subordonnée. Quelques semaines après le second Congrès acquis à Ben Bella, un nouvel événement politique relança les hostilités entre l’UGTA et le pouvoir politique. Il s’agit du renversement de Ben Bella à la suite du coup d’Etat en juin 1965 de Houari Boumediene, alors Ministre de la Défense. Perçu comme un retournement libéral et antisocialiste du régime, ce coup de force contribua à détériorer de nouveau les relations entre l’UGTA et le pouvoir.

Afin de reprendre le contrôle sur l’UGTA, le régime du Président Boumediene adopta une politique à deux volets.

D’une part, il insuffla une politique de polarisation basée sur un discours politique ainsi que des choix économiques et sociaux favorables aux ouvriers parmi lesquels la gestion socialiste des entreprises, la gratuité des soins, la démocratisation de l’enseignement primaire, le statut général du travailleur garantissant une protection juridique importante aux travailleurs et un système de sécurité sociale très avantageux. D’autre part, le régime adopta une politique répressive s’appuyant sur des coups de force durant les congrès, portant atteinte à la Révolution et aux travailleurs en ordonnant la fermeture des locaux et l’arrestation des leaders insoumis.

Quelques années après l’arrivée du Président Chadli Bendjedid, un véto institutionnel se produisit à travers l’article 120 des statuts du Parti qui stipulait clairement que la candidature à tous les postes de responsabilité au niveau de l’Etat et des organisations de masse était subordonnée à l’adhésion au Parti. Une large purge s’ensuivit touchant, entre autres, 12 Secrétaires de fédérations . En quelques années, l’UGTA s’était transformée en structure inféodée au Parti et complètement soumise à ses orientations.

 

Ouverture de 1989

La transition politique et économique de la fin des années 1980 avait engendré un certain nombre de transformations sur la structure de la classe ouvrière algérienne.

En effet, à l’ère du dirigisme économique des années 1970 et jusqu’au milieu des années 1980, le secteur public était le principal pourvoyeur d’emplois alors que le secteur privé, qui avait été mis à l’écart de l’effort de développement par les pouvoirs publics, n’assurait qu’une part quasi-marginale de la production nationale et de l’emploi.

La crise économique du milieu des années 1980 avait mis à mal la majeure partie des entreprises dont le déficit structurel était jusqu’alors couvert par le Trésor public. Des restructurations furent opérées et un demi-million d’emplois supprimés.

A l’inverse, l’ouverture sur le secteur privé durant les années 1990 avait permis la création de plusieurs milliers de petites et moyennes entreprises privées, employant plus d’un million de salariés et devançant de loin un secteur public en perte de vitesse en matière de création d’emplois. Cependant, cette transition du public au privé en matière d’emploi avait engendré le renforcement de la précarité aux dépens des emplois permanents et bien rémunérés du secteur public.

Le nombre de travailleurs contractuels est passé de 300.000 travailleurs en 1990 à 1,3 millions en 2000 (ONS 2018), auxquels s’ajoutaient environ un million de travailleurs non déclarés et ne bénéficiant d’aucune couverture sociale. De leur côté, les travailleurs permanents étaient particulièrement concentrés dans la fonction publique, qui employait environ 1,5 million de fonctionnaires durant les années 1990. Le développement de la précarité contribuera à affaiblir l’activité syndicale dans le secteur privé, au moment où la fonction publique deviendra le fleuron de l’activité syndicale autonome comme nous allons le voir plus tard.

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