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Hacène Boukaraoun
(Ph.D. Strategy Finance & Economic Intelligence – Kyoto-Ritsumeikan University – Japon)

Hirak et sécurité extérieure de l’Algérie : l’ANP est un socle

El Wata, le 03 août 2019

Hirak(1) ou pas hirak, ce qui se passe en Libye et tout autour de l’Algérie doit interroger tous ceux qui croient que les choses seront si simples avec cette «miraculeuse» solution sortie de nulle part de «itnahaw ga3».(2)

Nous apprenons, le plus sérieusement au monde, que par un «pur hasard», les services secrets français en Libye avaient «oublié» d’emporter leurs missiles(3) antichar dits Javelin Fire-and-Forget antitank missiles. Et par «pur hasard», aussi, que ces missiles se soient retrouvés entre les mains du maréchal Haftar qui veut beaucoup de bien à l’Algérie au point de la menacer.

Il faut garder à l’esprit et se rappeler toujours que l’Algérie n’est pas une île isolée de son environnement. Les menaces extérieures sont réelles. Elles sont là à nos portes.

Il y a lieu de rappeler ce qui s’est passé en mars-avril 2019.

Trois événements d’une importance colossale se sont déroulés en mars et avril 2019 confirmant cette insécurité aux frontières :

– les manœuvres militaires de African Lion 2019 (Africom) ;

– les manœuvres militaires des FAR à la frontière algérienne dites «Saghro» ;

– les menaces libyennes du maréchal Haftar après sa rencontre de l’Elysée.

Auxquels il faut ajouter les opérations Barkhane au Mali et l’installation récente d’une base militaire des Emirats arabes unis au Niger (et la boucle est bouclée). Que ceux qui ne voient pas une opération d’encerclement lèvent le doigt. Je reviendrai plus loin sur ce déferlement et ces manœuvres militaires.

«Itnahaw ga3» est sorti de la bouche d’un adolescent, visiblement peu instruit, fougueux, forcément sincère, à l’endroit d’une journaliste du Moyen-Orient. C’était sa façon, à lui, de répondre à cette journaliste qui lui demandait de lui parler en arabe. Ne sachant pas s’exprimer dans cette langue manifestement étrangère (pour lui), il a résumé, synthétisé, son sentiment qui a émergé des profondeurs de son être par une phrase simple, tranchante et définitive : «Je ne parle pas arabe, je parle ‘darja’», et de conclure dans une gestuelle devenue virale : «Itnahaw ga3», dit-il. Le hirak – le peuple de par les foules qui sont sorties dans les rues – en a fait un de ses slogans politiques.

«Itnahaw ga3» signifie-t-il table rase ? Table rase de qui ? De quoi ?

Alors, suggérer de faire table rase de ce qu’a été ce pays pendant un demi-siècle, c’est admettre exactement les arguties de ceux qui préconisent de changer l’utilisation du français par l’anglais. Comme si changer de langue, c’est changer ses sous-vêtements ou sa chemise en un tournemain.

Nous payons encore la catastrophe de l’«arabisation» forcenée des années 1970.(4) Une merveilleuse langue d’une profondeur inouïe, d’un lyrisme prodigieux, instrumentalisée et livrée en pâture sur le champ politique par des auto-dévastateurs apprentis sorciers que sont les Taleb El Ibrahimi, Mohamed Cherif Kherroubi, Mouloud Kacem Naït Belkacem et consorts : «yat3lam lahfafa fawq rass l’itama !» (littéralement, il apprend la coiffure en
s’ essayant sur la tête des orphelins).ي

La génération «Boumediène» a réussi à faire de nos enfants des analphabètes bilingues (voir sur Youtube l’horreur de ce ministre analphabète trilingue qui se ridiculise en essayant de parler anglais à un Chinois qui maîtrise parfaitement la langue arabe).(5)

La prochaine génération deviendra analphabète trilingue à coup sûr par l’enchantement de deux pseudo-ministres(6) en transition, écervelés et irresponsables. Ni arabe, ni français, ni anglais. Cela me rappelle bien un texte de mon adolescence : «machyat al ghourab» qui illustre bien le dicton «un tien vaut mieux que deux tu l’auras».

«Itnahaw ga3» ne veut strictement rien dire à l’échelle d’un pays. Cela n’a aucun sens. Il n’est pas pensable qu’un slogan sorti de la bouche d’un jeune homme acculé dans son ignorance devienne un projet de société. Et pourtant, c’est ce que préconise la rue. Nul ne construit un pays sur une telle démarche. Le seul pays auquel ce slogan a été appliqué à la lettre est l’Irak : l’armée a été dissoute, l’administration totalement licenciée : peut-on être si inconséquent, si aveugle, pour brandir un tel slogan ?

La raison doit revenir.

La réalité doit s’imposer.

Le bon sens doit l’emporter.

Il est temps de savoir ce que ce «Peuple» veut. Si c’est «itnahaw ga3» qu’il veut, alors il faut dire qui est ce «ga3» et surtout…comment ?

L’Algérie a connu 43 gouvernements depuis 1962. Avec une moyenne de 30 ministres par gouvernement, cela fait environ 1300 ministres qui doivent rendre des comptes pour avoir géré ce pays en commandite et dont la gestion a abouti à la catastrophe que l’on connaît aujourd’hui.

Qui sont les walis, les chefs de daïra, les maires à emprisonner ?

Combien de directeurs généraux de banques, d’entreprises publiques et de la haute administration faut-il arrêter ?

Qui peut justifier aujourd’hui par ses salaires la construction de ces millions de bâtisses qui ont envahi le pays ? Combien de prêts bancaires on été accordés par un simple coup de fil ?
Tous et toutes, d’une façon ou d’une autre ont tété cette «maman Algérie» jusqu’au sang. Et pour cause : le pétrole coulait à flot. Le soutien des prix frôlait les 30 milliards de dollars par an. N’a-t-on pas parlé d’«œsophage» dans la récente histoire d’Algérie ? Cela dure depuis 57 ans.

N’est-il pas opportun de rappeler que ce «Peuple» a sommeillé pendant 57 ans ? Il s’est assoupi. Il a avalé toutes les couleuvres possibles et imaginables. Du coup d’Etat du clan d’Oujda en 1965 au changement de la Constitution voté à main levée par des larbins désignés et asservis. Par son silence, ce «Peuple» a été complice d’un troisième mandat, ensuite d’un quatrième mandat d’un zombie sans s’en inquiéter. Le peuple s’est réveillé : tant mieux.

Mais ce réveil ne donne pas un chèque en blanc pour détruire ce pays au prétexte de l’absurde «itnahaw ga3».

Si l’on désigne par «ga3» ceux qui ont participé à la gestion du pays durant l’ère de fakhamatouhou (son nom m’est imprononçable aujourd’hui, insupportable il le sera demain… il le sera ilal abad), toutes les prisons d’Algérie ne suffiraient pas. D’autant plus que les innombrables arrestations actuelles ne se justifient que par ce que quelques juges se fournissent en «tout-venant» que sont certains fonctionnaires et responsables de second rang, seconds couteaux (notamment des directeurs centraux) pour crédibiliser leur zèle et démontrer (subitement) leur «amour» de la justice en ne faisant aucune distinction entre ceux qui ont dépecé ce pays et ceux qui ont été de simples scribes (il serait temps aussi de regarder l’enrichissement sans cause de cette partie de la nomenklatura judiciaire, douanières, etc.).

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