Autoritarisme
النظام الاستبدادي
L’opposition centrale entre totalitarisme et démocratie qui régna après-guerre ne fit pas l’unanimité. Un grand nombre de pays (la majorité) n’entre ni dans l’une, ni dans l’autre. C’est donc largement contre cette opposition binaire que fut forgée le concept de régime autoritaire qui s’inscrit dans une tradition classique.
Historiquement, les formes et les mots pour désigner l’oppression ont varié. La forme classique particulièrement grecque fut celle de la tyrannie ; la forme moderne fut celle du despotisme. La dictature constitue une forme originale puisqu’elle est née à Rome et existe encore aujourd’hui mais sous un autre sens, la dictature est un régime de concentration des pouvoirs aux mains d’un homme, d’une assemblée, d’un parti qui l’exerce alors sans limite.
Entre les démocraties libérales et les régimes totalitaires, la voie est large. Cette situation intermédiaire correspond à la majorité des régimes politiques sur la planète. L’opposition entre démocratie libérale et régime totalitaire est donc vite apparue comme insuffisante. Une série de chercheurs comme Juan Linz, Philippe Schmitter aux Etats-Unis, Guy Hermet en France ont donc tenté de construire une catégorie générique regroupant les régimes non démocratiques qui ne sont pas totalitaires. Leurs efforts ont été prolongés par de nombreux spécialistes de l’Amérique latine, de l’Afrique, de l’Asie ou même de l’Europe de l’Est. Nous aborderons l’autoritarisme en le dissociant d’une part, du totalitarisme et d’autre part, de la démocratie.
Différentes typologies des autoritarisme ont été proposées. Les plus connus sont celles qui distinguent l’autoritarisme patrimonial, l’autoritarisme populiste, l’oligarchie clientéliste et l’autoritarisme électoral.
Les régimes autoritaires se caractérisent par le non respect des principes fondamentaux de la démocratie : libertés fondamentales, élections libres et concurrentielles, alternance au pouvoir, légitimation du pouvoir par les élections. Ils convergent aussi au totalitarisme dans certaines caractéristiques : interdiction de toute expression publique du désaccord, contrôle étroit de la vie politique, contrôle total de l’appareil d’Etat, musellement étroit des médias.
Les différents traits évoqués précédemment permettent d’éviter que la notion de régime autoritaire ne soit une catégorie « fourre-tout ». Il demeure malgré tout qu’elle recouvre un grand nombre de cas différents ce qui implique de dresser des typologies. Les travaux sur les régimes autoritaires sont parvenus à la conclusion qu’il n y a pas de typologies rigides dans l’analyse de ce type de constructions politiques. Les régimes autoritaires ont évolué dans leur manière de fonctionner. De ce fait, à coté de la classification classique autoritarisme patrimoniale, bureaucratie autoritaire, dictatures populistes, oligarchie clientéliste, d’autres catégories sont venues enrichir cette classification. La fin de la guerre froide, la « troisième vague de démocratisation » et ses désenchantements successifs ont remis en question l’utilité des typologies qui avaient prévalu jusqu’alors.
La fin du paradigme de transition et l’émergence de nouvelles variantes d’autoritarisme prenant des dénominations aussi diverses que l’autoritarisme électoral (Schedler 2006), compétitif (Levitski and Way 2010), libéral (Brumberg 2002) ou encore celle de régimes hybrides (Wigel 2008).
Nonobstant la contribution de ces travaux à remettre en question les cadres classiques de l’analyse politique comparée, leur approche taxinomique se heurte à des limites. Critiquée du fait de contribuer à une augmentation conceptuelle aux dépens de bénéfices analytiques.
Ces régimes doivent être considérés comme un type d’autoritarisme spécifique et non comme un modèle intermédiaire/temporaire entre autoritarisme et démocratie.
Classification classique
Le concept : Max Weber avait proposé le terme de « gouvernement patrimonial » pour caractériser le mode de domination traditionnel dans lequel le chef ne distingue pas ses biens privés de ceux de l’Etat au sein d’une société encore peu différenciée. Dans la lignée de Weber, Shmuel Eisenstadt proposa le « néo-patrimonialisme » pour caractériser la prééminence du pouvoir politique sur des sociétés dépourvues d’autonomie propre, sociétés dans lesquelles les détenteurs de l’autorité pourraient s’arroger tous les pouvoirs d’allocation des biens matériels, des positions statutaires et des représentations symboliques, et cela sans formalisme décisionnel excessif. Pour consolider les allégeances et stimuler le loyalisme de ses soutiens, le pouvoir alloue aux groupes sociaux des ressources (promotions, biens matériels et privilèges) les détournant du désir d’expression politique.
Exemples: (monarchies du Golfe, Syrie de Assad, Irak de Hussein), ou africaines, dont le dirigeant se comporte comme si l’Etat constituait son patrimoine personnel (Zimbabwe de Mugabe ; Zaire de Mobutu ; Centrafrique de Bokassa)
Reprenant l’apport wébérien sur la bureaucratie rationnelle-légale, Guillermo O’Donnell proposa la « bureaucratie autoritaire » en tant qu’autoritarisme moderne et rationnel.
Une première variante concerne les Etats conservateurs et corporatistes dans lequel le pouvoir bureaucratique étatique délègue certains de ses attributs à des corps intermédiaires de la vie économique, culturelle et professionnelle. Cela concerne par exemple le Portugal de Salazar, le Mexique de Cardenas et les régimes militaires latino-américains.
Une seconde variante de la bureaucratie autoritaire concerne les régimes progressistes et socialistes. Par exemple, en Afrique, les partis uniques sont souvent devenus des coquilles vides. Dans l’Europe de l’Est après Staline, l’Etat et le parti unique monopolisaient la vie politique, sociale, économique et culturelle et devinrent de simples machines bureaucratiques au service de la pérennisation des cadres, l’ambition révolutionnaire étant abandonnée. L’URSS de Brejnev en fut un exemple édifiant car le PC s’était désidéologisé et n’aspirait plus qu’au statu quo et à la défense des privilèges de la Nomenklatura.
Elle plonge ses origines dans le bonapartisme, est un régime qui voit la prééminence de l’exécutif sous l’égide d’un empereur à vie, qui fait référence aux principes de la souveraineté nationale et qui fait appel aux valeurs patriotiques en vue d’obtenir un large consensus populaire (recours au plébiscite). Il conjugue alors la prééminence absolue du pouvoir exécutif sous l’égide d’un empereur à vie. On comprend donc que le bonapartisme repose largement sur une dynamique populiste lui conférant une légitimité certaine et permettant d’accompagner sans grandes oppositions des mutations d’ordre culturel ou économique. Il se conçoit alors lui-même comme un agent du changement pré-démocratique, comme un vecteur de la modernisation et de l’apprentissage contrôlé et progressif du suffrage universel, mené sous l’égide d’un Etat tutélaire dégagé des contraintes partisanes et parlementaires.
l trouve sa plus belle réalisation dans les deux régimes napoléoniens que la France a connu au XIXe siècle et, dans une moindre mesure, dans l’Allemagne bismarckienne. Mais surtout, il est incarné au XXe siècle par ses régimes adossés à l’armée et au nationalisme des classes moyennes qui opèrent une modernisation à marche forcée de la société (y compris une laïcisation de la vie publique) : cela recouvre Turquie de Mustapha Kemal, l’Egypte de Gamal Abdel Nasser, de l’Irak de Sadam Hussein, de l’Algérie de Houari Boumedienne.
L’oligarchie clientéliste caractérise un régime à façade parlementaire et pluraliste politique apparent. Ces régimes vivent sous la double menace d’un coup d’état militaire ou d’une irruption des masses populaires ce bloque la voie à une authentique démocratisation impliquant une alternance au pouvoir. Du coup, il existe des élections mais elles se bornent à formellement légitimer des dirigeants représentants le monde des affaires et de la propriété terrienne.
Ce concept est surtout opérationnel pour l’Amérique du Sud pour lequel il a été plus spécifiquement fondé : Colombie, Pérou, Panama, Mexique, Brésil.
Nouvelles variantes
Travaux de Schedler 2006
Travaux de Brumberg 2002
Travaux de Levitski et Way 2010
Travaux de Wigel 2008