Ammar KOROGHLI

Hirak : pour des états généraux et élections par la base

El Watan, le 12 décembre 2019

«Le principe fondamental du régime démocratique, c’est la liberté ; une des marques de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant (Aristote)

Les khotbas du pouvoir, la Présidence inconstitutionnelle, la justice instrumentalisée et les médias publics aux ordres ne sauraient faire illusion face à la revendication populaire «Yetnahaw ga3». Que pourrait changer l’élection présidentielle imposée pour le 12 décembre 2019 ? Fondamentalement, rien en ce qui concerne l’illégitimité du pouvoir et davantage relativement à la situation politique et économique de l’Algérie qui perdure depuis l’indépendance ? Plus que jamais donc pour un nouveau système politique avec refondation de l’Etat et souveraineté populaire à partir d’élections par la base et des états généraux pour un pouvoir constituant autonome. Ci-après, analyse et propositions pour contribuer à la résolution de l’équation de la crise politique devenue quasi-inamovible.

Un système politique dominé par la Direction de l’Armée

Comment s’est constitué l’actuel et obsolète système ? Après la guerre d’indépendance nationale initiée par les enfants de Novembre 1954, le pouvoir a été investi par l’Armée (plus précisément sa fraction dirigeante) ; celle-ci a ensuite entrepris l’édification d’un appareil d’Etat en vue d’asseoir son régime. D’instrument révolutionnaire, l’Armée algérienne a opéré sa mutation pour ériger son système politique avec un Etat à son allégeance. La direction de l’Armée devient une véritable structure gouvernante. Ainsi, composé dans sa quasi-totalité de militaires, le «Conseil de la Révolution» s’est attribué les postes importants au sein de l’Etat, outre des postes de responsabilité à la tête d’entreprises publiques et l’accession à des prêts importants pour la création d’entreprises privées.

A la primauté du parti unique (aile civile du système politique), a succédé la suprématie de l’institution de l’Armée (régime militaire). La question d’une Armée apolitique contrôlée par les civils continue d’agiter à ce jour la société algérienne, dont le hirak : «Dawla madanya machi 3askarya». L’Armée (plus particulièrement sa direction) a acquis un statut social élevé, eu égard notamment à la part importante du revenu national qu’elle s’octroie en contrepartie de la partie visible des régimes d’apparence civile (dont celui du Président déchu via l’article 102 de la Constitution qui a subi maints viols). L’Armée apparaît ainsi comme le groupe le mieux organisé ayant des intérêts spécifiques.

Certes, les contributions d’anciens gradés de celle-ci ont permis d’ouvrir le débat sur la dépolitisation de celle-ci par sa professionnalisation. Elle reste cependant l’arbitre des conflits d’ordre politique entre leaders issus souvent da la matrice du système dès lors qu’elle appert encore comme un passage obligé et incontournable afin d’asseoir un régime. A ce jour, seule la voix du hirak demande un changement pacifique («Silmya») vers un système politique expurgé de ses scories, d’autant que la participation des citoyens au pouvoir est des plus réduites, tant les assemblées locales comme le Parlement sont liées au régime en place.

Et, constitutionnellement, la concentration des pouvoirs est au seul bénéfice du président de la République, ministre de la Défense nationale s’il en est, sans contrepartie réelle à la société civile pour pouvoir contrôler un tant soit peu les institutions politiques, administratives et judiciaires. Ce qui gomme toute chance sérieuse d’accès à la citoyenneté des Algériens en les faisant participer, par voie référendaire par exemple, tant à l’organisation qu’au fonctionnement des institutions appelées à prendre en charge leur devenir. Ce qui explique sans doute que le hirak puisse demander la fin du présidentialisme, c’est-à-dire un régime dans lequel la Constitution accorde au président de la République des pouvoirs exorbitants, sous le seul contrôle de la direction de l’Armée qui constitue son bailleur de pouvoir.

Stratocratie, gérontocratie et oligarchie

Il paraît évident qu’il existe en Algérie un déficit chronique en matière d’équilibre des pouvoirs dans la mesure où on est en présence d’un présidentialisme, sorte de technologie constitutionnelle artisanale de pays encore rivés au sous-développement politique par la grâce d’une gérontocratie qui n’a de grand qu’une rhétorique démesurée et une attitude arrogante dont le populisme est le moindre mal. De fait, la caractéristique essentielle du système politique algérien repose sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République soumis à ses bailleurs de pouvoir («décideurs»), sans contrepoids réel, à savoir : un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une magistrature indépendante, une presse libre et une société civile structurée.

Il y a là une déviation et une dégénérescence du régime présidentiel avec des risques certains d’autoritarisme et d’arbitraire. Ainsi, toutes les Constitutions algériennes consacrent le président de la République comme chef réel du gouvernement (le Premier ministre étant souvent un homme-lige), chef suprême des Armées (comme titre sans réel pouvoir sur l’institution et encore moins sur sa direction l’ayant coopté) et de l’administration (devenue une bureaucratie au service du chef, notamment lors des élections consacrant la fraude au service de celui-ci).

La pratique politique depuis Octobre 88 n’a pas modifié cette donnée, cette situation ayant perduré sous forme d’aménagement du monopartisme en système de parti dominant avec à sa tête une gérontocratie (chefs du parti du FLN, de la direction de l’Armée, du Conseil de la Nation…). Et sous couvert de collégialité, le même édifice s’est régulièrement reconstruit, le pluripartisme de façade n’ayant permis que des coalitions à base d’intérêts politiques révélées par l’affairisme d’Etat à travers la corruption à son sommet et en son sein. Que de responsables politiques impliqués dont certains continuent de bénéficier de l’impunité !

Désormais, dans cette perspective, la stratocratie semble être la définition qui convient le mieux pour qualifier le système politique algérien car dominé par l’Armée et, dans une moindre mesure, comme une oligarchie dès lors qu’on a affaire à un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques individus n’ayant ni l’étoffe ni le gabarit nécessaires pour féconder une génération d’authentiques entrepreneurs au service d’une industrialisation pérenne du pays et de l’emploi des jeunes aux lieu et place d’une oligarchie ploutocrate. Et, durant le long règne de vingt ans du Président déchu, l’Algérie a payé un lourd tribut à la démocratie : près de 1000 milliards de dollars (outre les pertes en vies humaines et en infrastructures économiques durant la «décennie noire»).

Quels qu’en soient les tenants et les aboutissants, le hirak démontre que le «chahut de gamins» n’a pas cessé. Il a même redoublé pacifiquement d’intensité pour signifier la fin de la ruse pour le maintien au pouvoir du régime et de ses affidés – dont les oligarques constituent le noyau dur – à travers le principe galvaudé de la «continuité» du… régime.

Il est vrai que les politologues et les constitutionnalistes évoquent plutôt la continuité de l’Etat avec un personnel politique renouvelé, dans le cadre de l’alternance au pouvoir. Le hirak, peuple des jeunes, le réclame pacifiquement chaque vendredi dans la rue (la rue comme seul espace de communication). Sans doute là aussi, le meilleur antidote au pouvoir prévaricateur (corrompu autant que corrupteur) ne peut être constitué que par des organisations non gouvernementales gérées par des citoyens algériens issus du hirak comme pierre angulaire de la société civile, en ce qui concerne la veille quant aux droits de l’homme, la construction de l’Etat de droit, l’alternance au pouvoir, la liberté d’expression (presse et culture).

L’élection présidentielle, solution idoine ?

C’est dans ce contexte que le pouvoir de fait impose une élection présidentielle. Or, les candidats potentiels à cette élection, fixée au 12 décembre 2019, ont figuré dans l’ancien système dont le changement est justement demandé. Ainsi, parmi eux des candidats chapeautant de micro-partis comme émanations du vieux système qui, de parti unique avec langue de bois et pensée unique, s’est métamorphosé en parti dominant sous forme d’«alliance présidentielle». Parmi ces candidats également, ceux qui ont plus que collaboré au système en leurs anciennes qualités de ministres (voire de Premiers ministres).

Ici, une observation : l’expression inappropriée et galvaudée ici et là de «personnalités nationales» me semble inopérante pouvant encore rappeler celle d’«hommes providentiels». «Harkis du système» (la formule revient à un ancien Premier ministre) serait sans doute l’expression la plus appropriée car enfin de quoi ces «personnalités» sont-elles le nom ? Si nous avons fait le deuil des «chefs historiques», pourquoi devrions-nous galvauder des «hommes providentiels», «sauveurs de la nation» et… autres «personnalités nationales ?» Gageons qu’en Algérie, nous sommes quelque quarante millions de personnalités nationales qui ne veulent plus de la personnalisation du pouvoir.

Foin donc des pseudo «personnalités nationales» ayant été souvent dans le système qu’ils prétendent combattre aujourd’hui ! Le peuple des jeunes peut désormais constituer, sans intermédiaire, une force politique autonome en dehors même des partis politiques (les appendices du pouvoir comme ceux de l’opposition), des syndicats classiques, des éventuelles ONG préfabriquées et des associations sans canaux de communication avec les citoyens. A cet égard, il est dommageable que la télévision algérienne demeure plus que jamais le dernier bastion de la pensée unique (retransmission de discours officiels du pouvoir de fait actuel, hors contradiction). A-t-elle vocation à devenir un véritable service public ouvert à tous et à toute forme de communication, y compris celle parfois impertinente ? A ce jour, nous sommes au degré zéro de la communication.

Or, le système politique doit être réaménagé en profondeur si l’on veut éviter que le hirak ne devienne définitivement une autre explosion populaire comme seul mode d’expression. Car à force d’étouffer les révolutions pacifiques, la violence risque de s’installer durablement comme elle l’a été dans un passé récent de notre pays. Qui y a intérêt si ce n’est ceux-là mêmes qui, par tous moyens, veulent perpétuer le pouvoir personnel et l’ancien régime qui leur a procuré, à travers l’économie rentière, des privilèges financiers, immobiliers et fonciers ? L’élection présidentielle, cheval de bataille de l’actuel pouvoir agissant hors Constitution et sans légitimité, est-elle la solution idoine ? L’interrogation est d’autant plus légitime que les Constitutions de 1989, de 1995 et de 2008 n’ont pas modifié, de façon notable, les données de la problématique du présidentialisme algérien, l’illégitimité en étant le principal caractère.

Le risque est de perpétuer un état de démocratie résiduelle. A ce jour, hormis la déchéance du Président et de l’opération contre les corrompus présumés (quid des corrupteurs ?), peu de résultats tangibles ont été enregistrés, d’autant que les jeunes (et moins jeunes) payent leurs convictions de leurs personnes en prison. Que feront désormais les magistrats devenus les agents instrumentalisés du pouvoir politique ? Quant à l’opposition actuelle toutes tendances confondues, elle a montré qu’elle n’est pas suffisamment structurée pour servir de réel contrepoids politique pour rendre crédible, effective et irréversible l’alternance au pouvoir comme élément substantiel et structurant de la pratique du pouvoir. Et l’économie du pays, se délabrant de jour en jour, que pourra le Président de l’après 12 décembre qui continuera, nonobstant l’élection contestée, d’être frappé du sceau infamant de l’illégitimité, sachant que l’Algérie recèle de potentialités lui permettant d’assumer un statut de sous-continent et de pays émergent à vocation de puissance régionale dans le concert des nations ?

De même, la technocratie illégitimement au pouvoir (hors Constitution) et au service exclusif de la direction militaire (principale structure gouvernante qui se sert de l’Armée) ne peut procurer de résultats sérieux. Du personnel administratif (en l’espèce, de hauts fonctionnaires délégués à des fonctions politiques) ne peut au mieux que gérer des décisions prises en dehors des sphères classiques du pouvoir et favoriser les «oligarques» enrichis notamment par la généralisation abusive du «gré à gré». La privatisation de l’Etat a conduit à la généralisation de la corruption comme vecteur important de la gouvernance. Le big bang politique tant attendu depuis l’indépendance de l’Algérie tarde encore. Le hirak réussira-t-il enfin cet exploit pour instaurer un nouveau système politique en achevant définitivement l’ancien régime, en s’émancipant de toute tentative de manipulation et de récupération ? C’est essentiellement au peuple des jeunes (Ahl El Hirak) de répondre à son destin et celui d’El Djazaïr. Il doit pouvoir en devenir la colonne vertébrale. Ya Ahl El Hirak, yes you can !

Et, afin de permettre l’émergence d’un nouveau système politique, force est de chercher à résoudre l’équation fondamentale de la légitimité à travers une sérieuse révision constitutionnelle par un pouvoir constituant élu dans le cadre d’une transition : comment réconcilier les Algériens avec les impératifs de développement politique (la démocratie), le développement économique (impulser une politique efficace de l’investissement et rentabiliser le parc industriel existant, dans le cadre d’une économie forte), le développement social (l’émancipation des travailleurs avec la mise en place d’une nouvelle législation sociale), le développement culturel (renouveau linguistique et remise à flots des créateurs dans l’ensemble des domaines artistiques) et la justice sociale conçue comme pierre d’angle de tout projet cohérent dont la légitimité doit reposer sur la capacité du gouvernement à régler les problèmes des citoyens et à tolérer l’esprit critique – voire simplement caustique – de la presse ?

Une solution possible : élections par la base et états généraux du Hirak

Parmi les solutions qui peuvent être préconisées, celle pour le hirak de constituer des états généraux au niveau de chaque wilaya (voire de chaque commune) à même de permettre l’émergence de représentants élus parmi les plus jeunes et les plus aptes à prendre les rênes du pouvoir. Et de proposer des élections à partir de la base pour rajeunir le personnel politique de l’échelon local à l’échelle nationale, en préconisant de nouvelles règles d’organisation et de fonctionnement des instances politiques et économiques. Ainsi, nous aurons une nouvelle élite jeune, de nouveaux dirigeants non impliqués dans les affaires sordides de corruption. Cette même nouvelle élite sera issue non seulement d’universitaires avérés et de praticiens de l’économie, du droit, du médical…, mais également du peuple d’en bas : paysans, ouvriers, fonctionnaires, instituteurs, infirmiers… Tous peuvent participer aux gouvernements locaux et au Parlement futur comme contre-pouvoir à la technostructure, par une règle de l’alternance au pouvoir et par l’élaboration d’une Constitution réglant enfin la question de la légitimité.

Cette solution a été historiquement éprouvée et a permis, à tout le moins, de voir l’émergence sur la scène mondiale d’Etats structurés et d’économies compétitives par leur production et par l’esprit scientifique et culturel le plus proche possible des citoyens (scène mondiale dont nous sommes de plus en plus écartés par les attitudes serviles de l’actuel pouvoir de fait – exemple à Sotchi – qui tente même de vendre l’une des principales richesses de la patrie jusqu’alors garante de la souveraineté de la Nation). Ainsi, une nouvelle Constitution à respecter comme Loi fondamentale davantage que comme un fait du prince… Pour rappel, historiquement, la plus vieille Constitution écrite connue dans le monde est celle de Cyrène vers 320 avant l’ère actuelle (elle a été gravée dans la pierre, autant dire dans le marbre).

Et c’est avec Athènes que naît la démocratie directe, un système où le pouvoir (notamment celui de légiférer) était exercé par les citoyens. Et les magistrats, dont les plus importants étaient élus, étaient sous leur surveillance. De cela, il y a quelques siècles déjà… Ainsi, dans Politique, Aristote explique : «Le principe fondamental du régime démocratique, c’est la liberté ; une des marques de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant.» Tout était organisé de sorte qu’il n’y ait pas de pouvoir personnel. Et, nous dit-on, «les Athéniens n’avaient aucune envie de combattre sous les ordres d’un général tiré dans un chapeau» (Hansen).

Plus de 2000 ans après l’expérience démocratique grecque, l’idée de la démocratie a resurgi en Amérique et en France.

Les idées en sont simples, le pouvoir ne vient plus d’en haut, mais d’en bas. Et le pouvoir vient du peuple. Le peuple choisit ses gouvernants au moyen d’élections. En Amérique, la démocratie fait suite à la libération de l’emprise du pouvoir colonial exercé par la monarchie anglaise. En France, le peuple succède aux rois de France qui ont incarné l’Etat (Louis XIV disait : «L’Etat c’est moi» !). Le Président algérien déchu pouvait dire à loisir qu’il ne voulait pas être 3/4 président, souhaitant sans doute être l’Etat à lui seul, faisant fi du peuple. Et ces deux révolutions, en Amérique et en France, ont introduit et affirmé le principe de la souveraineté du peuple. A titre illustratif, en Amérique : «Tout pouvoir vient de l’investiture populaire et, par conséquent, émane du peuple» (Déclaration de l’Etat de Virginie, 1776).

De même, «tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur (Déclaration d’indépendance des treize Etats-Unis d’Amérique, 1776). En France, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) : «La souveraineté est une, indivisible, nationale et imprescriptible. Elle appartient à la nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice». La Constitution française de 1793 va plus loin en déclarant : «La souveraineté réside dans le peuple». Avec le hirak, nous y sommes.

Ainsi, «les hommes étant par nature tous libres, égaux et indépendants, nul ne peut être tiré de cet état et soumis au pouvoir politique d’un autre sans son propre consentement» (Locke, 1690). Le hirak consent-il à brader sa souveraineté ? Il est permis d’en douter dès lors que les citoyens sont descendus dans la rue (y compris hors du pays) par centaines de milliers (la presse évoque même des millions) pour dire à «la poignée» de gouvernants illégitimes de «dégager». L’actuel pouvoir de fait, érigé en structure gouvernante et s’appuyant sur une technocratie honnie par le hirak en sa qualité de fraction importante du peuple, ne peut d’évidence se substituer à sa souveraineté en imposant une élection. L’expérience ayant montré que l’élection en Algérie est souvent entachée par la fraude et l’indignité des candidats retenus (aujourd’hui au nombre de cinq par une instance, créée ex nihilo, prétendument indépendante, après un faux débat, non contradictoire et non médiatisé par ce qui devrait être le service public radiophonique et télévisuel).

Tout au plus, on risque d’avoir une nouvelle «îssaba» et la reconduction d’une oligarchie renouvelée avec tentative de bradage des ressources du pays tant minières (hydrocarbures notamment) qu’humaines (plus de 10 000 médecins algériens exerceraient en France). Au demeurant, telle a été l’attitude de l’ancienne «îssaba» composée pour l’essentiel du Président déchu et de son obséquieuse équipe. Toute honte bue, certains membres de cette équipe osent se présenter comme candidats à l’élection présidentielle controversée dont l’inefficacité sera, en toute vraisemblance, actée par l’Histoire. Et pour cause, l’Algérie vit à ce jour un vide constitutionnel.

Or, la Constitution a pour principale vertu de limiter l’autoritarisme et l’arbitraire dès lors que la séparation des pouvoirs est appliquée et signifie essentiellement que tous les pouvoirs ne doivent pas être réunis entre les mêmes mains. Ce qui n’est point le cas en Algérie du fait notable de la concentration du pouvoir (particulièrement de coercition) et l’instrumentalisation des autres pouvoirs : Présidence, gouvernement, justice, médias publics… Un antidote ? Le référendum comme moyen de donner la parole aux citoyens car expression du peuple comme pouvoir constituant.

Le pouvoir actuel devrait avoir l’audace de permettre un référendum demandant au peuple s’il consent à des élections (et pas seulement présidentielles). Le peuple entier, et Ahl El Hirak en particulier, pourront se réapproprier leurs droits politiques pour être les acteurs du destin de l’Algérie, notamment en se dotant de représentants à l’occasion d’élections à partir de la base. Ainsi, des maires et des députés (jeunes, pour éviter la reconstitution à la fois de la gérontocratie gouvernante et la renaissance de toute oligarchie) pourront s’organiser en états généraux.

Et ce, en vue de devenir un pouvoir constituant et libérer le pays de toutes les «îssabate», organiser le pouvoir et le distribuer selon le principe de la séparation des pouvoirs pour que nulle institution ne s’érige à elle seule en pouvoir qui s’apparenterait à une quasi-dictature, et ce, au moyen d’une personnalisation visible du pouvoir qui devient de plus en plus absolu.

Que naisse enfin le peuple-Etat ! Et, comme n’a pas manqué de l’observer Kelsen en son temps (1988) : «La démocratie n’est pas la dictature de la majorité, mais un compromis entre majorité et minorité qui se réalise dans un cadre parlementaire.»

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